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Setchea : Un projet dans sa vision | L’épilogue (3/3)

Farida Mostafa 26 février 2024
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© Kirill Babich

Il est presque 12h. Les nuages filent et l’astre du jour émerge, danse effrénée dans le ciel. Tout est un langage. L’histoire approche sa clôture, et l’énergie s’allège au fur et à mesure. Tout est un hommage. Des échos de rires innocents, des échos de silences profonds. Les voix débattent et les esprits convergent, euphonie dans une cacophonie mondaine. Rien ne passe inaperçu.

Setchea nous propulse dans un monde entièrement fabriqué par lui. Suite à la sortie de son premier album, Vengeance et Miséricorde, il porte le chapeau du metteur en scène, de scénographe, de “Setchea en full effect”, pour rendre vivant son projet. Avec, cette fois-ci, un thème précis et une intention particulière, il met en mots sa vision, ses objectifs, et nous terminons là où la fin continue : au-delà.

Quelle ligne de l’album retient particulièrement ta préférence ? 

“La rumeur dit que les rappeurs ont un message. La vérité c’est que le rappeur est le message”.

Peux-tu approfondir davantage le propos ?

Je vivais à Barbès, il y a 7 ans, et on était 3 en train de s’amuser. Ma pote avait lâché un freestyle où elle clashait la société, et je sors ce refrain où je dis “on a trop le seum on a trop la haine, mais l’ironie c’est que je me parle à moi-même”. On l’a chanté pendant 40 minutes et c’est quelque chose qui m’est resté vraiment dans le cœur. Même quand je dénonce le monde, je parle de moi. Dans ma démarche, je ne me dissocie en aucun cas. Setchea n’est pas un personnage, c’est mon prénom. Je n’essaie pas de dire aux gens que je sais comment le monde peut être. Je suis en train de dire que je vais vivre selon ma philosophie et ma vision. Le seul moyen pour moi de les transmettre, est de l’être.

C’est un “ego trip qui est présent dans ces deux cas ? 

Je serai hypocrite si je n’ai pas fait la paix avec ça. L’introspection est au centre du processus du rappeur et elle fait partie de l’art donc je l’assume complètement.

Pourquoi établis-tu une connexion entre l’acte d’introspection et l’ego ?

C’est un voyage dans l’ego, dans moi, une construction de ma personnalité qu’on a appelée ego. Je n’ai pas de problème avec ça. Le travail que j’ai fait dans ma recherche philosophique était de me réapproprier cette idée parce que j’ai beaucoup réfléchi à ces termes de prétention et d’humilité. Il y a un son que j’ai sorti qui s’appelle l’Insolent où je parle beaucoup de cela. J’ai toujours été vocal et en paix avec ce que je pense, mais il y en a ceux qui le prennent comme quelque chose de violent, et parfois prétentieux. Donc j’ai vraiment fait cette quête d’essayer de retrouver ma voix, ma personnalité, et un amour propre. C’était mon seul moyen de rencontrer le monde et l’aimer.

Quelle est ton étape suivante dans l’aventure ?  

J’essaie de me convaincre qu’il faut que j’arrête de sortir des projets longs, et de faire des singles. Mais j’aime bien les projets. Un titre, un concept, une couleur, une esthétique.

Un ego.

Exactement. Alors que le seul projet que je devrais vraiment avoir est d’aller sur scène. Je trouve que Vengeance et Miséricorde n’est pas forcément un album qui est fait pour la scène.

Alors que tu l’as performé.

C’est puissant parce que c’est la première vision que j’ai eu dans ma vie. Pas juste de faire mon premier concert, mais mon premier spectacle. C’est ce que je me suis offert. Scénographie, costumes, “vibes”. C’était incroyable. C’est comme ça que j’aimerais pouvoir apprécier n’importe quel artiste. La performance, ou l’exhibition, est quelque chose de “highly spiritual” pour moi. Je n’ai jamais autant stressé de ma vie, jusqu’au moment où je suis monté sur scène, et c’était “easy”. J’étais à ma place.

C’était ta première apparition sur la scène ?

Non, mais c’était la première fois que je défendais ma musique et pendant une heure. Jusque-là j’ai fait des open mics, des scènes ouvertes, ou j’étais musicien ou danseur sur scène. Là, c’est la première fois où j’étais Setchea, full effect, avec mes costumes, mes lumières, mes instruments. Ça fait partie totale de mon monde et ça m’a fait vraiment comprendre que c’est la seule chose que je veux faire.

Te sens-tu empreint de nostalgie ?

Non, parce qu’il faut que j’y retourne. J’aimerai vraiment que cela puisse être ma réalité toutes les semaines, tous les mois, tous les ans. Je finis mes sons et ils sont morts, c’est terminé, je ne les écoute plus. Mais de les performer, c’est donner une autre vie. Donc je dirais que ma prochaine étape sera de faire vivre mon art, et de le partager.

Sur un nouvel album ?

Évidemment que je veux utiliser Vengeance et Miséricorde, quitte à le réadapter un peu. Je trouve que la musique et le texte étaient tous les deux poussés à un paroxysme, et sur scène, ça donnait l’effet d’un film. Je voulais que le gens soient assis. Alors que là je travaille sur un projet qui est fait dans une intention d’ambiance groovy et une emphase sur le texte simplifié. C’est dans cette optique que je compose depuis deux ou trois mois. L’objectif est de me faire un répertoire dans ce sens et de trouver des partenaires. Je trouve que c’est une des limites à là où j’en suis. Je ne peux plus avancer autant tout seul. C’est clair.

Jusqu’à là, l’histoire fût terminée. La suite demeure dans un futur qui n’appartient qu’à cet artiste émergent sur la scène Parisienne, tant tissé par le tumulte de ses témoignages que par la tendresse des états humains. En faisant le tour des Buttes Chaumont pour mettre fin à ce cycle de ma journée, je franchis les limites de ma position d’observatrice et je plonge dans mes pensées. Dans cette expérience esthétique, philosophique, et journalistique, je me demande à quel point nous pouvons démasquer ce qui est universellement réel pour donner vie aux mille et une formes d’être, de paraitre, et de partager dans le milieu de l’art. D’où vient la passion et est-ce si évident de se vouer à la transposer ?

Interview réalisée par Farida Mostafa

Retrouvez les 2 premières parties :

Setchea : une écriture dans son univers | Le prologue (1/3)
Setchea : Un univers dans son projet | L’entracte (2/3)

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